Jean Guibert

 
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né à Marseille
« rêve : écraser du bonheur entre ses doigts malades »
 

-Jean- Les bouteilles, elles suivent, mais elles se vident régulièrement. C’est des choses dont je ne veux pas me défaire.
Même celui-là, je ne peux m’en défaire. Mon Sitting Bull. Il m’a posé la question de savoir où j’allais planter mon tipi. Il était inquiet. Alors je lui dis : « à Monségur. Tu verras, tu seras au chaud. ».

 
 
 
-V- Tu nous fais visiter ?
-Jean- La cuisine. J’ai de moins en moins d’huile d’olive.
À moins que quelqu’un m’y conduise, à Menton. Vous pouvez venir toutes les 2. Je prends une voiture de location. Je prends une suite dans un grand hôtel parce que je ne supporte que les grands hôtels.
Ça c’est mon parc, avec mes courgettes. C’est l’architecture très ancienne de Monségur.
 
 
 
-V- T’as des chats ?
-Jean- Des matous… Si tu l'appelles Minou, il comprend pas, faut l’appeler Puss Puss. Il est anglais.
 
-V- Tu as fait des fêtes ici ?
-Jean- Des petites fêtes.
 
-V- Qu'est-ce que tu as fait de tes casseroles en porcelaine ?
-Jean- Tu sais comment je fais, je les vends aux hommes politiques qui trainent des casseroles derrière eux. Ou alors je les donne à chaque personne qui a un accident de tendresse avec moi. Alors, le pire, ça leur plaît. Entre elles, elles sont en compétition. Alors, elles viennent pour en avoir une autre. Une fois, y’a un mari qui dit : « Mais qu’est-ce qui t’arrive toi ? tu es comme Guibert, tu collectionnes les casseroles ? » - « Non chéri, je suis allée à la brocante et j’ai trouvé ça. Mais t’inquiètes pas chéri. Je sais qu’il les aime beaucoup, je vais les lui vendre et je vais me faire un bénéfice. ». Du coup le mec, qu’est-ce qu’il fait « On va se faire de l’argent. On va se répartir les brocantes. ». Elle n’allait jamais à la brocante mais elle repartait avec une casserole quand-même. Son mari revenait avec des casseroles. Et j’étais obligé d’acheter les casseroles.
 
 
-V- Comment es tu entré à la loge maçonnique de Monségur ?
-Jean- J’ai frappé à la porte du temple. Parce que ça fait des années que je suis branché Franc maçonnerie.
 
-V- Mais tu as été introduit par quelqu’un ? parce qu’ils font normalement une petite enquête sur toi avant.
-Jean- Ils veulent pas se tromper sur la personne qu’ils font venir chez eux. D’abord pour lui, au cas où on ferait une mauvaise analyse et qu’il serait malheureux. Et aussi pour nous.
 
-V- Comment tu as atterri à Blasimon ?
-Jean- Je suis né à Marseille. Les italiens ont envahi Menton d’où je suis originaire. On a fui les nazis. Ensuite mon père était psychiatre militaire. Ce qui fait qu’il a beaucoup bougé dans sa vie. Il a été le psychiatre des criminels de guerre nazis qui n’ont pas été exécutés après Nuremberg. On a voyagé. Je me suis marié et ça n’a pas marché.
 
-V- Aux États-Unis ?
-Jean- Oui mais pour rigoler. Dans un village à côté de Las Vegas qui était tenu par des indiens. Et c’était leur source de revenu. Nous avions une voiture de location, ils nous ont mis un PV pour attester de notre passage. Après je suis rentré en France. Ma famille américaine, c’est toute une histoire. Son grand oncle était banquier. C’est lui qui a été le commanditaire du colonel Drake qui à Titus Ville a découvert le premier puits de pétrole sur un territoire qui appartenait aux indiens Seneca : Seneca Oil Compagnie : SO. Après ils ont vendu les actions à Rockefeller qui a créé la marque ESSO. Quant à elle, c’était la fille du directeur des brevets de l’entreprise Dupont de Nemours. On habitait à New Heaven, la ville appartient quasiment à l’Université de Yale. Un truc grand comme le jardin public. Une maison à 3 étages avec la maison du fermier. Y’avait les écuries, y’avait le poulailler, y’avait l’élevage de caille. Parce qu’il fallait entrainer les chiens pour la chasse. Ensuite, ils avaient une vallée dans le Montana.
 
 
-Jean- Vous la connaissez celle-là ?
-V- …Monique Piffo… ?
 
-Jean- Vous avez entendu l’histoire ?
-V- Non.
 
 
-Jean- Les conserves William Saurin. Il y a deux ans de cela, elle décédait. Et tout le monde pensait qu’elle laissait une fortune énorme derrière elle. Elle était évaluée à 800 millions d’euros. Y’avait rien ! Dans la presse est paru un article : pourquoi Monique Piffo ne s’est elle pas enrichie ? quand le notaire et le liquidateur ont visité son appartement dans le 20ème arrondissement, ils n’ont rien trouvé à part un sac Hermès et un livre de Malraux tiré à 52 exemplaires avec des lithographies de Salvador Dali tirées sur véritable vélin, c'est-à-dire sur la peau de la bête. Signé par André Malraux et signé par Dali. C’est ce qu’elle avait chez elle. C’est moi qui lui avais offert. Et je l’ai racheté aux enchères. J’ai racheté aussi quelques robes qu’elle portait. C’est des robes de chez Léonard. C’est vraiment criard. Une très très belle soie. Ça me rappelait un très bon souvenir, parce que quand nous allions en vacances au Carlton, elle descendait pour attendre le voiturier avec sa robe et moi, il fallait que j’ai une cravate assortie. Y’avait la foule qui nous reluquait !
Mon frère Édouard avait une maison de campagne dans un petit village qui s’appelait Saint-Léonard-en-Beausse. Et moi, j’avais donné mes cravates à tous les petites gens qui étaient les copains de mon frère. Et le jour de la fête du village, ils sont tous arrivés avec.
 
-V- Tu as connu la vie mondaine.
-Jean- J’ai toujours dit que j’étais un clochard de luxe. Quand j’étais à Paris j’habitais juste en face de la résidence parisienne de Rotschild.
Ça c’était son chien Sully, elle le vouvoyait. Et le dimanche midi, c’était le repas obligatoire avec la maman. Il y avait 3 endroits qu’elle supportait, c’était la brasserie alsacienne du 17ème arrondissement, le Fouquet's ou la Coupole. Évidemment il ne fallait pas que Madame mère attende que je trouve une place. Elle partait devant. Quand j’arrivais le maître d’hôtel me disait : « 3 comme d’habitude ? », « Non 4, il y a mon beau-frère. ». Elle était folle des chiens.
 
-V- Tu nous parlais de ton travail ?
-Jean- J’étais professeur de gymnastique dans les séminaires. Oui parce qu’il y a toute une gestuelle dans la religion. Y’a l’élévation, y’a la prosternation, y’a la bénédiction, y’a la contrition, y’a la communion, la génuflexion…
 
-V- Ça c’est ce que tu faisais le dimanche ?
-Jean- Non. Compte tenu de toutes mes capacités, je suis parti à Rome. Et comme le Pape aimait se balader, il se baladait en papamobile, et tout le long de son chemin, il y avait des curés qui s'agenouillaient au moment du passage de la papamobile. Alors moi, ce que je leur ai appris, c’est de faire la génuflexion droite et la génuflexion gauche pour ceux qui étaient face à face. Et après, un peu comme les vagues : la ola, au fur et à mesure du passage de la papamobile… C’est comme ça que j’ai gagné ma vie…
Bien sûr que non j’ai pas fait ça. (rires)
 
 
 
 
-V- Même pas un petit peu ?
-Jean- Dans mon rêve ! J’ai fait des études essentiellement de mathématiques appliquées à la prise de décision en économie et en finance. J’apprenais simplement des recettes de cuisine pour les statistiques, les permutations, les arrangements. Et j’ai exercé mes talents dans les industries de la santé humaine. Ça allait de l’expérimentation d’un médicament jusqu’à l’organisation de campagnes de vaccination, de fournitures d’hôpitaux clef en main. Même il fallait choisir le nom du produit. L’équivalent américain du Tricosteril, c’était Bandhead. C’est pas possible. Pour les petites pipettes de laboratoire, c’était la Selectapett. Chaque fois que j’intervenais pour un truc pareil, je percevais des gros honoraires. C’étaient vraiment de gros marchés.
 
-V- As-tu été témoin de scandales pharmaceutiques ?
-Jean- Oui lorsque l’institut Pasteur a vendu au Congo Belge 1 million de doses du vaccin contre la grippe, souche A. La souche A est absolument inefficace. C’était soit disant pour l’armée du Congo. Y’a pas 1 million de soldats mais la commission a été de 50%. Jacques Monod a été bouleversé par ça.
 
-V- Jacques Monod ?
-Jean- Prix Nobel de médecine qui avait le sens de l’humour aussi. Un jour il avait été pris dans un embouteillage. Il avait loupé son avion pour aller à Orly. Et ça s’est su. Et Chirac lui a fait savoir qu’il pouvait lui donner un coup de fil. Jacques Monod a dit : « Voilà ma carte de visite ! »
 
 
 
-V- Du coup on n’a pas le lien avec Blasimon.
-Jean- J’ai arrêté de travailler parce que j’en avais marre et puis j’ai gagné énormément d’argent. Mon ex épouse était une bordelaise. Une famille très implantée à Bordeaux. Moi, ça me plaisait pas Bordeaux. J’étais vraiment pas le genre. J’étais ni croyant, ni pratiquant, j’étais mécrédule, j’étais gaucho. Il fallait que je trouve une baraque où j’ai rien à faire, où je puisse recevoir des amis. Blasimon, c’était parfait. J’ai regardé dans les ventes aux enchères. Ça m’a plu. C’est tellement invraisemblable comme baraque que personne n’a renchéri. Je l’ai eu à 1000 francs de plus que la mise à prix. Ça ne m’a quasiment rien coûté. Elle était quand-même à peu près en état pour fonctionner puisqu’elle faisait des cours.
 
-V- C’était une Maison Familiale et Rurale.
-Jean- Y’avait un bidet dans chaque chambre. Y’avait 7 chiottes. Y’avait des douches. J’ai vendu à la mairie. À Blasimon qu’est-ce qu’il y a ? Y’a pas de scandales, y’a pas de tremblements de terre.
 
 
-V- Tu es quand-même à l’origine de certains scandales non ? Racontes-nous l’histoire du Père Noël.
-Jean- Je déteste les gens qui mettent des pères Noël grimpeurs. Un jour je suis allé en voler un. Y’a un réverbère qui est fixé sur la maison. Le Père Noël, j’ai pris sa hotte et je l’ai mise autour de la tête comme une cagoule. Les mains je les ai liées derrière le dos. Les pieds je les ai entravés et j’ai suspendu le Père Noël au réverbère. C’était le jour de Noël. C’était hallucinant le soir parce qu’il y avait la neige et le vent. Moi j’avais pas d’appareil photo. Je suis allé à Super U m’en acheter un. Quand je suis arrivé, il y avait les gendarmes, il y avait le maire qui était entrain de le libérer. Le maire a raconté cet épisode lors de la vente de la maison.

J’aime beaucoup Béatrice Arnac. Je suis un fanatique de Dalida. Des millions de personnes connaissent celui qui a marché sur la lune. Des millions de personnes connaissent Gondolier : « Lui et moi, tu te rappelles. Lui et moi, c’était écrit. Gondolier t’en souviens-tu. La la la la la la la la la la la la laaaaaaa… ». Je vais refaire du théâtre.

 
 
-V- T’en fais plus ?
-Jean- Si j’en fais tous les jours, au restaurant. Quand je suis avec une jolie femme par exemple. Quelqu’un vient lui proposer une rose : « J’en ai pas besoin c’est ma femme. C’est déjà fait. ».
 
-V- Où as-tu fait du théâtre ?
-Jean- J’ai toujours fait du théâtre. À Nancy, j’ai fait le théâtre universitaire. Aux États-Unis, j’ai fait du théâtre.
 
-V- Et ici ?
-Jean- J’en ai fait mais c’est comme toutes ces associations, ça part en eau de boudin. On arrive pas à récupérer des neufs, des nouveaux.
 
 
 
-V- Tu avais fait “les Couillonnades” à Saint-André.
-Jean- Oui. Qu’est ce qu’on a rigolé. Et je fais des improvisations au téléphone. Le dernier : « Bonjour monsieur, je suis madame Untel, assistante de Madame Irma, voyante, qui vous a choisi pour une séance gratuite. » Je lui ai dit : « Écoutez, votre patronne, elle peut aller se faire voir. Parce que moi, les voyantes, les extra-lucides, les boules de cristal, je n’y crois pas du tout. Je suis ra-tio-nnel. »
 
-V- As-tu encore des liens avec Sainte-Foy ?
-Jean- J’ai fréquenté le Caveau. Et puis y’a la loge maçonnique. On se visite entre nous. On voyage.
 
 
-V- Tu n’as planté que des courges !
-Jean- Non, du basilic, de la ciboulette, du thym. Le persil, je m’en occupe mal. J’ai du pourpier.
 
-V- Tu as une phrase fétiche ?
-Jean- Là tu vois, c’est un type qui a écrit Graines au vent. Dedans il y a écrit, rêve : écraser du bonheur entre ses doigts malades.
 
29 septembre 2018, Monségur