Yvette Laborie

 
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née en 1929
« Je me dis que ça ira mieux demain. »
 
-V- Ça fait longtemps que tu cherches des silex ?
-Yvette- J’ai commencé quand j’avais 12 ou 13 ans avec Monsieur Morin aux Sandeaux. Y’avait des fouilles en face du moulin. Les gens étaient pas évolués comme maintenant. On restait à la maison. Alors le dimanche quand il venait, il déblayait le colombarium. Alors il me disait toujours :  « ramasse, ramasse, moi, je trierai après ». Il était archéologue. Je me rappelle, je trouvais des pièces de monnaie. Et puis après ça m’est resté. J’y ai pris goût.
 
 
-V- Est-ce qu’il y a d’autres archéologues qui sont venus te voir ?
-Yvette- Oui. Y’a Monsieur Michel Lenoir de Bordeaux. Il travaille au CNRS.
 
-V- Tu les trouves où principalement ?
-Yvette- La Siguenie et Romage.
 
-V- Combien de pierres as-tu?
-Yvette- De numérotées, y’en a 5500.
 
-V- Quelles sont tes plus belles pièces ?
-Yvette- Des bifaces, des racloirs, des percuteurs, des bolasses.
 
-V- C’est quoi ?
-Yvette- Des boules qui se servaient pour tuer les bêtes. Ils en attachaient plusieurs, 2 ou 3 avec des nerfs. Tu m’enregistres pas au moins ? Parce que là je parle comme un procureur mais… Et ça (elle nous montre une autre pierre) c’était parait-il pour faire boire les bébés.
 
 
-V- Tu es née en quelle année ?
-Yvette- Ho lala ! Je suis née à Pineuilh mais je suis venue au Sandeaux quelques mois après ma naissance, parce que ma mère est décédée. C’est ma grand-mère et ma tante qui m’ont élevée.
 
 
-V- Et cette maison du Montet où tu habites maintenant ?
-Yvette- Ça c’est une maison de famille. Y’a eu Antoine. Antoine, il a eu un fils qui s’appelait Antoine. Antoine, il a eu un fils qui s’appelait Jean. Jean il a eu un fils qui s’appelait André. Après André il a eu 2 fils, dont mon mari. Et après y’a pas de descendance parce que j’ai pas eu d’enfants.
 
-V- Vous êtes arrivée en quelle année au Montet ?
-Yvette- En 50. J’avais 21 ans. J’ai été à l’école à Saint-André. J’ai fait ma communion, je me suis mariée… parce que la mairie était au bourg.
 
 
-V- Et vous avez travaillé dans les vignes ?
-Yvette- Oui mais y’avait aussi du blé, du maïs. J’ai toujours travaillé la terre. Sauf après, j’ai quand même fait 26 années à Eynesse, chez l’horticulteur. Je peux te dire que je sais ce que c’est que des roses, des tulipes et des glaïeuls. Il fallait savoir leurs noms. Y’a des bonnes, des mauvaises. On faisait des bouquets. C’était pour les grossistes de Bordeaux. Moi, j’étais surtout au calibrage.
 
-V- Qu’est-ce que tu faisais de ton temps libre ?
-Yvette- Mais on travaillait le dimanche. Mais même encore je préfère être dehors. Je suis une fille de dehors. Je fais les tournées de vigne, je vais dans les pruniers, pas trop sur la route mais dans les champs. J’aime bien marcher toute seule. Quand il fait chaud, je me mets à l’ombre. Je me dis : « qu’est ce que c’est beau la nature ».
 
-V- Et les pèlerins, ils continuent à passer chez toi ?
-Yvette- Ha oui ! y’en a un qui était très spécial. Je lui ai demandé de quel pays il était, il m’a répondu : « ha, bein j’ai pas de pays. J’ai pas d’argent ». J’ai reçu les supérieurs du grand séminaire de Bordeaux. Je les ai eu à manger le midi. Quand j’ai vu arriver ces 3 gaillards en short… Ils m’ont invité à manger avec eux. J’étais un peu gênée. Ils ont mis le couvert. Ils avaient 2 gros melons, y’avait du jambon… Ils ont bu le Ricard. Ils ont regardé un petit moment le tour de France. Et puis après ils m’ont accompagné au cimetière. Je leur ai ouvert l’église. Ils ont chanté Je vous salue à la Vierge. C’était super. Et ils m’ont envoyé une carte de Pellegrue.

Y’en a qui passent avec des ânes, des chevaux. C’étaient mes chiens qui les appelaient.

Mes plus lointains… Ils venaient de l’Alaska dis donc.
 
 
 
-V- Est-ce qu’il y a des lieux que tu aimes à Sainte-Foy ?
-Yvette- Je fais le marché et après, malheureusement, je vais au Leclerc. C’est vrai que Sainte-Foy est mort maintenant. Autrefois, on allait au cinéma, au bal au Casino. Y’avait les fêtes locales.
 
 
-Yvette- Je t’avais raconté que j’avais vu une entité ? J’étais assise là, et je regardais la télé. Et tout d’un coup… hou la ! Plus d’image… c’était un homme préhistorique qui m’est apparu. J’en ai peur encore. Je l’ai pas vu de face. Il bougeait pas. Ça parlait pas, rien. Alors je vais te le décrire : il avait un grand manteau en peau de bête. J’ai eu tellement peur que j’ai pas vu ses pieds. J’ai pas vu ses mains non plus. J’ai vu son profil. Il avait une toque sur la tête mais aplatie. Il avait des cheveux jusque-là, à peu près, raides. Et je vois encore, il avait le nez assez droit. Je me suis levée, j’ai crié : « Qu’est-ce que c’est ?! » et pff, et c’est parti. J’ai pas dormi de plusieurs nuits. J’avais peur qu’il revienne. Mais c’est des choses qui arrivent. C’est des esprits.
On m’a dit que c’était à cause des pierres. Y’avait-il eu des pierres de lui ? J’ai toujours peur qu’il revienne. Je ne le souhaite à personne.
 
 
 
 
-V- C’est la première fois que tu voyais un truc pareil ?
-Yvette- J’ai vu une fois dans mon coma… je suis morte cliniquement 2 fois. Hémorragies cérébrales. On m’a fait une embolisation. On m’a séché l’artère fémorale. Et puis après je suis tombée dans le coma. Ils m’ont mis au déchocage. Je devais pas passer la nuit. C’était en 82.
J’ai vu le tunnel avec la lampe au bout mais loin loin loin. J’ai aperçu la Vierge. Notre Dame de Lourdes. Mon médecin m’avait dit : « Je devais te ramener morte ». Et le matin je suis revenue à moi dis donc. À l’hôpital ils m’appelaient la miraculée.
 
-V- Tu es croyante ?
-Yvette- Ha oui. Chez moi, y’a la Vierge partout. Quand je peux je vais à la messe. Sinon, je la regarde à la télé. Quand je rentre dans une église, je vais directement à la Vierge. C’est Elle. Elle me protège.
 
-V- Quelle est ton église préférée ?
-Yvette- Appelles. C’était un prieuré. Y’a ma maison secondaire là-bas.
Parlant au chat : Cookie ! Il a 2 ans et il tète encore… mon poignet ! Alors Cookie, on se moque de toi !
À Appelles, il s’est passé beaucoup de choses. La nuit les portes s’ouvraient, les armoires s’ouvraient. Un jour, ils ont fait venir le prêtre qui a fait transporter toutes les couettes, les oreillers, les édredons, ils ont tout porté aux Quatre Routes, et ils ont tout fait brûler. Ensuite le prêtre est allé à la maison et il l’a exorcisée. C’était dans les années 30. Ma belle-mère, ma grand-mère, tout ça, elles y étaient.
 
 
 
Des voisins entrent boire le café.
 
-Daniel- Vous savez qu’il y a eu des lâchés de lynx ici. À Landerrouat. C’était en 83 ou 84. Y’a eu aussi des lâchés de vipères, de couleuvres. Parce qu’il fallait repeupler la région. Ils les larguaient en avion. Ils sont venus à la Siguenie. J’étais dans les vignes en face et j’ai vu larguer. Et j’ai récupéré que les poches.
 
-V- Et pourquoi des lynx ?
-Daniel- C’est que le lynx ça bouffe les chevreuils, ça bouffe tout.
 
-V- Alors une petite maxime Yvette ?
-Yvette- Je me dis que ça ira mieux demain.
 
 
23 janvier 2012, Saint-André-et-Appelles